De la guerre à l'embargo
En réplique à la victoire d’Israël dans la guerre du Kippour, dix jours plus tôt, onze pays arabes membres de l’OPEP/OPEC (Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole, opec.org) annoncent, le 17 octobre 1973, un embargo total sur les ventes de pétrole aux soutiens d’Israël, parmi lesquels les États-Unis, le Portugal, l’Afrique du Sud et les Pays-Bas. L’embargo est promu par le roi Fayçal d’Arabie saoudite et son ministre du pétrole, le sheikh Yamani, qui ont la main sur 21% des exportations mondiales de pétrole.
Les pays arabes ont réduit leur production de 5 millions de barils par jour, ce qui est partiellement compensé par l’augmentation de la production dans d’autres pays qui ont réinjecté 1 million de barils par jour dans le système. Pourtant, la perte nette de 4 millions de barils par jour représente 7 % de la production du monde libre et fait grimper les prix du pétrole de 3,01 à 11,65 dollars le baril en décembre.
Cette décision fait quadrupler les prix du pétrole, une nouvelle étape dans la crise économico-pétrolière ayant commencée en 1970-1971.
Récéssion économique
Le pic de production de pétrole des États-Unis qui suivi, et l’abandon des accords de Bretton-Woods, a pour effet une forte concentration de la dévalorisation du dollar et donc des cours du pétrole qui sont libellés en dollars.
Les Européens, terrorisés, renoncent à soutenir les Pays-Bas et le fournir en pétrole. Chacun prend des mesures d’urgence dans la perspective d’une pénurie de carburant qui, cependant, ne viendra pas. Le prix du baril de light Arabian, qui fait référence sur le marché, passe de 3 dollars à 18, mais se stabilise au bout de quelques mois autour de 8 ou 9 dollars. Les pays exportateurs mais aussi les grandes compagnies pétrolières occidentales sont les grands gagnants de ce premier choc pétrolier. Les grands perdants sont les peuples occidentaux car l’augmentation du prix de l’énergie amplifie une récession économique déjà sensible depuis quelques mois, entraînant une flambée du chômage.
Ce choc du prix du pétrole amène les consommateurs à trouver des moyens d’économiser sur leurs remplissages, par exemple en utilisant le libre-service. En 1973, seulement 13% des supérettes [U.S.A.] vendaient du carburant. Une décennie plus tard, ce pourcentage avait quadruplé à 52%.
« Le peuple américain ne peut pas se permettre de payer de tels prix (pour répondre aux préoccupations concernant l’essence à 1 dollar le gallon), et je peux vous assurer que nous n’aurons pas à les payer. »
Le président Richard Nixon aux Américains, janvier 1974
Les conséquences dans les stations en Amérique
Les pénuries de carburant et les longues files d’attente s’accentuent à mesure que la crise s’aggrave au Etats-Unis.
Les stations essence sont priées de fermer le samedi soir et le dimanche, et 90 % d’entre elles se conforment à cette règle. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, le rationnement de l’essence est également introduit.
Le rationnement en essence (règle)
Le dernier chiffre contenu dans la plaque détermine si vous pouvez acheter de l’essence un jour donné. Si le dernier chiffre est pair, vous pouvez acheter du carburant les jours pairs. Les plaques comportant toutes uniquement des lettres sont considérées comme « impaires ».
La combinaison de la pénurie d’approvisionnement et du contrôle des prix initié par le président Nixon pour endiguer l’inflation entraîne la fermeture de milliers de stations.
L'intervention du chah d'Iran
Les États-Unis reprennent les choses en main en confiant au chah d’Iran, le soin de rétablir les fournitures de pétrole. L’OPEP ne va plus retrouver son influence. Quant au chah Mohammed Réza Pahlévi, flatté dans ses délires mégalomaniaques, il ne tarde pas à perdre pied. Sa chute, cinq ans plus tard, en 1978, entraîne un deuxième choc pétrolier, beaucoup plus grave et durable que le précédent.
En mars 1974, l’embargo prendra fin et la pénurie s’atténuera. Mais les effets du « premier choc pétrolier » vont se faire sentir jusqu’en 1978.
Résultats à long terme
De fait, l’OPEP ne retrouvera plus avant longtemps un tel niveau de puissance sur le plan économique et politique et les objectifs affichés de l’embargo ne seront pas atteints. Les politiques d’amélioration du rendement énergétique et une diversification des sources d’énergie se mettent en place à partir de ce moment-là. En particulier, les pays développés cessent de brûler massivement du pétrole pour produire de l’électricité : la France, par exemple, se lance dans un programme massif de constructions de centrales nucléaires, tout comme le Japon. Elle essaie aussi de remplacer le fioul par l’électricité pour le chauffage des bâtiments. L’Italie et le Royaume-Uni, de leur côté, choisissent de privilégier le gaz pour le chauffage des bâtiments et la production électrique, tandis que l’Allemagne de l’Ouest choisit de panacher charbon, gaz naturel et nucléaire pour sa production électrique et d’utiliser plutôt du gaz pour chauffer ses bâtiments.
Le nucléaire ne modifiera pas la dépendance au pétrole, mais permettra une alternative énergétique à cette dépendance qui trouvera un écho dans le monde entier.
Les Pays-Bas décideront d’investir massivement dans une politique de transports favorable au vélo.