LA S.A.M.I.R : première raffinerie de pétrole du Maroc

1961, construite en un temps record, le Maroc est désormais doté d’une importante raffinerie de pétrole.

Elle marquera la naissance de la S.A.M.I.R., la Société anonyme marocaine italienne de raffinage.

Créationd'une rafinerie au Maroc

Le Maroc se dote d’une importante raffinerie de pétrole, dont la construction a été achevée en 1961 dans des délais rapides.

En 1959, la Société anonyme marocaine italienne de raffinage (S.A.M.I.R.) naît de l’initiative commune du Bureau des études et des participations industrielles (B.E.P.I.) et de l’A.N.I.C., société italienne dépendant de l’Office national des hydrocarbures (E.N.I.), dirigée par M. Enrico Mattei (en joint-venture avec la compagnie AGIP). L’industriel italien Enrico Mattei, qui a offert un partenariat à 50/50, très différent des formes de concession normalement proposées par les grandes compagnies pétrolières européennes plus proches du 15/85 5.

La création de la SAMIR répond à une volonté politique d’émancipation de l’économie marocaine au lendemain de l’indépendance du pays.

Cette même année 1959, commence la construction de la première unité de distillation de pétrole brut à Mohammedia d’une capacité de 1,25 million de tonnes par an4.

La S.A.M.I.R. est ainsi la seule raffinerie (2022) de pétrole au Maroc et une des principales raffineries d’Afrique.

La raffinerie est placée près du port pétrolier de Mohammédia, dans la plus grande zone industrielle des carburants au Maroc. Elle fut conçue par la S.N.A.M.-Progetti pour traiter 1 250 000 tonnes par an de brut. Elle est reliée au port par un pipe-line moderne.

Bien que la S.A.M.I.R. soit présentée comme le premier employeur de la ville de Mohammédia, l’entreprise a dû faire face à de nombreuses critiques à cause de la pollution atmosphérique et maritime causée par la raffinerie.

Les installations

Ce complexe comprend une installation topping et une installation de reforming catalytique, précédé d’une désulfuration d’essence, ayant une capacité de 230 000 tonnes par an pour la fraction d’essence de 90-190° C.

On a aussi prévu trois installations de traitement chimique ayant respectivement une capacité de 15500 t./an de G.P.L., de 85 000 t./an d’essence légère et de 63 000 t./an de pétrole. Les deux premières sont de type continu et la dernière de type discontinu.

Pour la récupération du G.P.L., produit du reforming, on a projeté une installation ayant une capacité de 21 000 t./an pour la deethanisation du produit entrant et la séparation du propane du butane. L’installation de la deethanisation pourra aussi utiliser, pour séparer le propane du butane, du G.P.L. provenant de l’installation de topping.

La raffinerie jouit d’une capacité de stockage d’environ 200 000 mètres cubes de produits finis, bruts et demi-travaillés.

La «Samir» assurait, avant sa fermeture, 64 % de la demande en produits raffinés.

Pour compléter les installations

Près des unités de procédés, on a bâti une centrale thermo-électrique avec 3 chaudières de 12 t./h. chacune à une pression de 45 atmosphères et 2 turboalternateurs de 1500 KVA.

Les services auxiliaires sont composés d’une installation de compression d’air, de pumping fuel-oil et de distribution fuel, gaz et eau.

La construction

La raffinerie s’étendant sur une surface totale d’environ 721 000 mètres carrés est complétée par des bâtiments affectés aux bureaux, ateliers, magasins et laboratoires.

La plupart des équipements ont été fournis par Nuovo Pignone, de Florence (Italie), tandis que le montage a été réalisé par S.A.I.P.E.M., de San-Donato, Milanese (Italie).

De nombreuses entreprises marocaines, parmi lesquelles Levivier, Citra, Nordon, Aquazur Afric sol Bolcioni, Société marocaine de construction métallique, etc., ont donné leur collaboration et leur remarquable apport.

Son excellente position, la conception moderne du cycle d’opérations et des solutions techniques adoptées pour sa réalisation, placent la S.A.M.I.R. à la hauteur des meilleures réalisations techniques internationales dans le secteur pétrolier.

À Mohammedia (Casablanca-Settat), la Samir, seule raffinerie du royaume, est à l’arrêt depuis 2015. © Samir

Au cœur de la ville

L’entreprise fut également à l’initiative de plusieurs projets faisant la promotion de la ville comme le festival des Fleurs dont le budget est de 3,5 millions de DH (en 2008) est financé en grande partie par la S.A.M.I.R. et l’Office National de l’Électricité (ONE)7 

La raffinerie finança également la réhabilitation du Parc de la ville de Mohammedia.

Une privatisation très controversée

En 1997, l’entreprise est privatisée par l’État marocain8 sous le gouvernement de Abdellatif Filali. C’est alors la plus importante privatisation menée au Maroc depuis 19938.

Le ministre des privatisations, Abderrahmane Saïdi, est un expert-comptable de formation. Technocrate, il n’a jamais été élu et n’est membre de aucun parti politique9.

Abderrahmane Saïdi va outrepasser la procédure prévue par la loi (Une Commission d’évaluation) et prendre la décision sans jamais engager le moindre débat au Parlement.

En juillet 2001, le ministre sera nommé Directeur général de la S.A.M.I.R.

Abraham Serfaty, ingénieur et opposant politique historique, dénonce un acte illégal et exige l’ouverture d’une enquête.

En 2014, alors que la S.A.M.I.R. appartient à hauteur de 67,27 % par l’industriel saoudien d’origine éthiopienne Mohammed Al Amoudi à travers sa filiale marocaine, Corral Holding Maroc, affecté par la baisse brutale du cours mondial du pétrole, annonce plus de 3,4 milliards de DH de pertes12 (plus de 310 millions d’€).

Fermeture de l'unique raffinerie au Maroc

Dans une situation financière critique, la suspension de l’activité, en août 2015, de l’unique raffinerie du Maroc, cause la perte de plus de 3.500 emplois chez les manutentionnaires, le licenciement potentiel de près de 900 employés permanents et la probable perte de plus de 20 000 emplois au sein d’entreprises marocaines créancières. La faillite creuse également le déficit commercial du pays, a relevé le syndicat de l’entreprise (SNIPGN).

Le 21 mars 2016, le juge du Tribunal de Commerce de Casablanca, se basant sur l’article 620 du code du commerce marocain, ordonna la mise en liquidation judiciaire de la S.A.M.I.R., pour un arrêt d’activité, en août 2015. Le 1er juin 2016, en second ressort, les juges du tribunal de commerce de Casablanca confirmera la liquidation judiciaire.

C’est la plus spectaculaire faillite de toute l’histoire du Maroc indépendant 3.

L’actionnaire de référence, le groupe Corral, appartenant au Cheikh Hussein Al-Amoudi a tenté de sauver les meubles. Durant l’audience du 7 mars 2016, le management de La S.A.M.I.R. a présenté son propre plan de redressement. Celui-ci qui prévoyait, entre autres, l’injection de 6 milliards de dirhams dans le capital de la compagnie (environ 536 millions d’euros) entre 2016 et 2019. Mais cela n’a pas suffi pour convaincre les magistrats.

Un rapport d’experts indépendants désignés par la justice avait conclu que la situation de l’entreprise était irrémédiablement compromise. Conclusion sur laquelle s’est basé le président du Tribunal de commerce pour décider de la liquidation judiciaire tout en autorisant la continuation de l’activité pendant une période de trois mois. La Samir eu toutefois de dix jours pour faire appel.

La plus grosse faillite de l’histoire du Maroc

Cela fait plus de quatre ans que ce qui est l’une des plus grosses affaires judiciaires du pays a commencé au tribunal de commerce de Casablanca. Le 21 mars 2016, le juge a ordonné la mise en liquidation de la S.A.M.I.R., unique raffinerie du Royaume appartenant à hauteur de 67,27 % au milliardaire saoudien Cheikh Mohammed Al Amoudi via son entreprise, Corral Morocco Holding.

L’entreprise, qui employait 867 salariés à l’époque, a cumulé des dettes pour un montant de plus de 45 milliards de dirhams (4,16 milliards d’euros), notamment envers la douane, ce qui a fini par provoquer l’arrêt d’activité, en août 2015.

Le secteur bancaire marocain perd plusieurs milliards de dirhams et les principales banques du pays sont affectées.

Selon une étude du Pr Nadjib Akesbi, publiée en mai 2021 dans la Revue marocaine des sciences politiques et sociales, la privatisation de la «Samir» et les dégâts qui en découlent, sont le résultat d’un «mariage malsain entre ‘’les affaires’’ et le politique au sein du Makhzen».

Une liquidation étendue aux patrimoines privés des dirigeants

La liquidation fut étendue aux patrimoines privés des dirigeants. L’ex-syndic chargé de la liquidation, Mohamed El Krimi, ayant demandé, en 2017, l’extension de la liquidation aux patrimoines personnels de dirigeants de la S.A.M.I.R., estimant que ces derniers avaient commis des erreurs de gestion qui ont mené à la situation actuelle.

En novembre 2018, le tribunal de commerce s’est prononcé en faveur de cette extension aux patrimoines personnels de six de ses dirigeants (tous étrangers) : Mohamed Houcine Al Amoudi (PDG et actionnaire majoritaire), Jamal Mohamed Baamer (DG), Bassam Felix Aburdene (administrateur), Jason T.Milazzo (administrateur), Lars Nelson (administrateur), George Salem (administrateur). Un jugement confirmé en appel – où il leur a été interdit en outre d’exercer toute activité commerciale au Maroc pour les cinq prochaine années – mais qui sera difficile à exécuter – les biens concernés étant tous à l’étranger.

Le roi d'Arabie Saoudite appelé à l'aide
Al Amoudi espère alors que le roi d’Arabie saouditeSalmane ben Abdelaziz Al Saoud, alors en vacances d’été a Tanger (août 2015), intervienne en sa faveur pour l’aider à éponger sa dette envers le gouvernement marocain (1,2 milliard d’euros)15. Le Roi lui ayant ordonné de rembourser ses dettes, en pleine tourmente, le lundi 24 août 2015, Mohammed Al Amoudi quitte le Royaume du Maroc, sans payer les salaires de 950 salariés16.

La nationalisation, l’option des salariés et du conseil de la concurrence

En février 2019, le Conseil de la concurrence s’était intéressé au dossier de la S.A.M.I.R. lors de l’élaboration de son avis sur le sujet du plafonnement des marges des pétroliers au Maroc. « Avant sa mise à l’arrêt en août 2015, la S.A.M.I.R. approvisionnait le marché national à hauteur de 64 % des besoins en produits raffinés (…) le raffineur national jouait donc un rôle fondamental dans l’approvisionnement, mais aussi dans le stockage, puisqu’il détenait plus de 50 % de capacités de stockage du pays, ce qui assurait la sécurité de notre pays contre toute pénurie éventuelle », regrettait Driss Guerraoui, patron du Conseil de la concurrence le jour de la présentation de son rapport.

Le Conseil plaide ouvertement, donc, pour une « nationalisation » de la raffinerie pour des raisons de souveraineté et pour stabiliser les équilibres entre les pouvoirs économiques sur le marché. « Il faut une décision politique audacieuse pour la préservation du raffineur national », avait lâché le nouveau patron du Conseil, rejoignant en cela les salariés de la S.A.M.I.R., qui demandent la nationalisation de la raffinerie depuis le début du processus.

Depuis 2021, près de 6 propositions de lois ont été déposées au parlement pour nationaliser la raffinerie, une option que le gouvernement a écarté 19. Selon le Ministre de l’Énergie Aziz Rabbah : « La reprise de la Samir par l’État n’est pas considérée comme une solution, car le marché est devenu libre à la concurrence des intervenants et le dossier est entre les mains de la justice19».

Cela signifie qu’actuellement, le Maroc importe 100% des produits pétroliers consommés dans le pays.

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