La raffinerie Elf de Feyzin, mise en service deux ans auparavant et récemment inaugurée, est située à la sortie sud de Lyon et jouxte l’autoroute du soleil, de laquelle on aperçoit les grandes cheminées, les torchères et les immenses cuves de stockage.
Elle fut l’objet d’une violente explosion le 4 janvier 1966 qui endeuilla la région lyonnaise et viennoise.
Mardi 4 janvier 1966. Comme chaque jour, Henri Pic et Jean Giganon, deux Brondillants habitant la rue du Parc, aux Essarts, prennent leur service à la raffinerie de Feyzin, où ils sont employés. Ils seront parmi les premiers sur les lieux.
L’usine, bien qu’un peu critiquée pour les mauvaises odeurs qu’elle dégage parfois sur l’agglomération, fait alors la fierté des Lyonnais. Construite à partir de 1962 et entrée en service en juin 1964, elle incarne en effet la modernité conquérante des Trente Glorieuses, et constitue l’un des fleurons de l’industrie française : elle transforme près de 4 millions de tonnes de pétrole par an en carburant pour les véhicules, et aussi en produits chimiques destinés à l’industrie, notamment pour la fabrication des plastiques. Très automatisé pour l’époque, le site de Feyzin emploie alors 300 salariés. En 1966, elle tournait à plein régime.
Mardi 4 janvier 1966. Comme chaque jour, Henri Pic et Jean Giganon, deux Brondillants habitant la rue du Parc, aux Essarts, prennent leur service à la raffinerie de Feyzin, où ils sont employés. Ils seront parmi les premiers sur les lieux.
L’usine, bien qu’un peu critiquée pour les mauvaises odeurs qu’elle dégage parfois sur l’agglomération, fait alors la fierté des Lyonnais. Construite à partir de 1962 et entrée en service en juin 1964, elle incarne en effet la modernité conquérante des Trente Glorieuses, et constitue l’un des fleurons de l’industrie française : elle transforme près de 4 millions de tonnes de pétrole par an en carburant pour les véhicules, et aussi en produits chimiques destinés à l’industrie, notamment pour la fabrication des plastiques. Très automatisé pour l’époque, le site de Feyzin emploie alors 300 salariés. En 1966, elle tournait à plein régime.
Quand l'enfer se déchaîne
Une opération courante
Ce jour-là, trois opérateurs vers 6h40 du matin, alors qu’il faisait encore nuit noire, un opérateur, accompagné d’un technicien de laboratoire et d’un pompier de service, vont faire un prélèvement d’échantillons de gaz sur la sphère 443 (contenant 348 tonnes de propane), l’une des huit cuves sphériques, de butane et de propane, servant à stocker la production de la raffinerie. Pour ce faire, il existait un dispositif de purge à la base de chacune des sphères. Une procédure routinière.
A la base de chacune des sphères il existait un dispositif de purge.
Au sommet de la sphère se trouvait une soupape pouvant évacuer 73 tonnes de gaz à l’heure.
Pour lutter contre un incendie les sphères étaient ceinturées par deux couronnes débitant de l’eau de refroidissement. Un pulvérisateur complétait le système en partie basse.
L’un des opérateurs, à la suite d’une mauvaise manœuvre, est aspergé par un jet de gaz, et ne parvient pas à refermer la vanne. Une fuite de propane se produit, et ne peut être colmatée. Il n’est alors plus possible de refermer la vanne.
Une nappe de gaz commence à se répandre dans un réseau de puisards situé sous les sphères, à l’intérieur du site et se dirige vers l’autoroute qu’aucun mur ne sépare de l’enceinte de la raffinerie…
Le propane se répand à la vitesse d’un cheval au galop, couvrant en moins d’une demi-heure une surface de trois hectares, débordant déjà hors de la raffinerie.
Déclanchement de l'alerte
Le 04 janvier 1966 à 07 19, au quartier central des sapeurs–pompiers de Lyon, le Téléphoniste COMBE recevait une demande de secours pour un incendie à la raffinerie de Feyzin.
Quelques instants après les sonneries de feu du quartier central et de la caserne de Gerland retentissaient. Elles devaient sceller le destin tragique de plusieurs sapeurs–pompiers. Le troisième acte de la catastrophe de Feyzin venait de débuter, le premier avait eu lieu à 06h40.
L’alerte est donnée.
Il fut ordonnée aux CRS et gendarmes de fermer les routes ainsi que l’autoroute A7.
Malheureusement, un chemin départemental qui permet de rentrer sur l’autoroute n’est pas fermé en temps utile. Un travailleur d’une entreprise sous-traitante approche avec son véhicule – qui échappe aux barrages – et, calée dans le nuage de gaz sur cette route parallèle à l’autoroute
Une étincelle provenant de sa voiture (gaz d’échappement, frottement des freins…) servira de détonateur et embrase la nappe de gaz. Le malheureux conducteur, gravement brulé et hospitalisé, décédera deux jours plus tard.
Le feu remonta jusqu’à la sphère 443 d’où le gaz s’échappe. Il est 7h16 et une gigantesque flamme brûle alors en chalumeau sous la sphère…
Des secours impuissants
Les deux autres pompiers de la raffinerie (ils étaient trois en garde) se présentent avec le camion-poudre sur châssis Citroën 55 et le fourgon-pompe tonne Heuliez sur châssis Citroën T46.
Les systèmes de refroidissement des sphères sont mis en action, mais le rayonnement thermique ne permet déjà plus d’accéder à la vanne d’ouverture de la 443.
Les pompiers auxiliaires sont rappelés par la sirène d’alerte de la raffinerie.
Le réseau d’incendie de la raffinerie est constituée de poteaux à incendie de 100 mm, de bouches de 150 mm, de quatre lances-canons, alimentés à partir d’un bassin de 12 000 m3 et deux pompes d’un débit de 400 m3/h à 12 bar. Chaque sphère peut être refroidie par deux couronnes débitant de l’eau en partie haute et un pulvérisateur en partie basse. Le service de sécurité est constitué d’un chef de service, d’un adjoint, de trois pompiers professionnels et 35 ouvriers intervenant comme pompiers auxiliaires. Ils arment neuf véhicules d’intervention.
Des pompiers arrivent de Lyon, de Vienne et de toute la région
La demande de secours auprès des sapeurs-pompiers de Lyon est effectuée à 7h191.
De la caserne de Gerland partent un fourgon-pompe mixte et la grande-puissance pour feux d’hydrocarbures (GPFH, Berliet GBK) sous les ordres de l’adjudant Prévot qui dirigera donc la première attaque du feu.
Au même moment un autre fourgon-pompe mixte (FPM n° 120, Berliet GAK 17) quitte le Quartier central, accompagné d’un fourgon-pompe tonne (FPT n° 141, Berliet GAK 17) sous les ordres de l’adjudant Heyraud.
Les deux détachements sont immédiatement suivis par le commandant Legras, commandant de jour, en Renault R4 (n° 138). Il est lui même suivi par le commandant Pierret, chef de corps, piloté par le sapeur Schmitt au volant d’une Peugeot 403 de direction. Une ambulance les suit.
A l’arrivée de ces secours une lance à mousse est établie. Un tapis de mousse est créé autour de la sphère. La remorque poudre, tractée par un FPM (Fourgon Pompe Mixte), permet d’établir deux lances pistolets.
L’attaque directe ne semble pourtant pas faire diminuer l’intensité des flammes. L’adjudant Prévot décide alors de tenter un refroidissement des sphères voisines soumises à un intense rayonnement thermique. Pour cela deux grosses lances (GL) sont établies depuis un FPM. Deux autres encore sont établies à partir de l’autre FPM et du FPT (Fourgon Pompe Tonne).
Une flamme de 15 mètres
La soupape de sécurité de la sphère 443, située en partie supérieure, s’ouvre et libère une flamme de près de quinze mètres qui, au gré du vent, entre en contact avec les sphères voisines…
Le camion-mousse de la raffinerie (Guinard Saviem JL25 mise en service trois ans plus tôt, capacité de 5 000 litres de liquide émulseur, pompe d’un débit de 180 m3/h) est engagé.
Des renforts sont rapidement demandés par le commandant Pierret aux sapeurs-pompiers de Lyon, ceux de Vienne et Givors. Il demande également l’engagement du camion mousse de l’usine Rhodia à Belle-Étoile.
Un troisième FPM lyonnais quitte la caserne de Gerland (n°102, Berliet GLA).
De Vienne, en Isère, partent un FPT (Berliet GAK) et un véhicule de liaison hors route (Jeep) soit 12 hommes aux ordres du chef de corps, le capitaine Conte.
Le camion-grue arrive de Gerland pour déplacer les véhicules à proximité du sinistre (CG Ward-Lafrance Type MI, n° 44).
Un incendie hors de contrôle
Deux motopompes de la raffinerie sont également mises en action.
La forte sollicitation du réseau d’eau de la raffinerie par les moyens hydrauliques engagés inquiète l’adjudant Prévot qui décide alors de positionner le GPFH (grande-puissance pour feux d’hydrocarbures) en aspiration dans le Rhône dont un canal de dérivation est situé à 400 mètres de la sphère 443. Il est convenu que tous les engins-pompes arrivant en renfort se positionneront de la même façon.
Plusieurs autres GL (grosse lance) sont établies. 11 GL sont ainsi en action plus deux petites lances (PL). D’autres sont en cours d’établissement…
Le camion mousse de Rhodia est utilisé pour refroidir les sphères proches de celle en flammes.
L’intensité du feu et de son rayonnement ne faiblissent pourtant pas. Il est demandé aux porte-lances, positionnés à une trentaine de mètres du sinistre, de reculer tandis que les lances sont installées sur des supports.
Ne pouvant éteindre la sphère 443, ils essayèrent au moins de protéger les autres en les refroidissant, en vain.
Sur les huit sphères de stockage de propane et butane, trois seulement furent épargnées, grâce au changement d’orientation du vent.
Vidéo de l’accident (muette, durée 4 minutes).
L’explosion, les renforts
Une heure et demie après le début de la fuite, ce sont pas moins de 110 hommes, employés et pompiers confondus, qui luttent contre l’incendie.
A 8h45 une terrible explosion se produit et atteint les sauveteurs les plus engagés. La sphère 443 a subi un effet ébullition-explosion, phénomène que l’on connaitra mieux plus tard sous l’acronyme BLEVE (boiling liquid expanding vapor explosion). La soupape de sécurité s’est révélée insuffisante en débit pour évacuer le gaz de la sphère portée à une forte température.
Cette explosion a été entendue jusqu’à seize kilomètres de la raffinerie !
Le souffle de l’explosion, suivie par plusieurs autres, provoque des dégâts jusqu’à Vienne, tandis que dans la ville de Feyzin, plus de 500 maisons, appartements, commerces, ateliers sont endommagés.
Le bilan humain est très lourd :
89 personnes sont plus ou moins grièvement blessées, et 11 sont décédées instantanément, dont Henri Pic et Jean Giganon. Sept autres personnes succomberont peu après de leurs blessures.2
Le Quartier central fait partir toutes les ambulances disponibles : Renault Estafette, Renault Goélette 1000 et 1400 kg… armées chacune par un sapeur-pompier lyonnais et deux gardiens de la paix qui embarquent depuis la Préfecture située à proximité de la caserne. En départ également celle de Gerland (Citroën HY) ainsi que la Renault 1000 kg de Corneille.
Le commandant Héraud prend la direction du poste de commandement du Quartier central.
Un FPT (Fourgon Pompe Tonne) (FPT n°143, Berliet GAK) quitte Gerland, un autre encore part de la caserne Rochat (FPT n° 140, Berliet GAK) accompagné d’un FPM (n° 129).
Le centre communal volontaire de Sainte-Foy fait partir un fourgon d’incendie normalisé (FIN, Berliet GLA) et une ambulance (Volkswagen type 27).
Une grande puissance dévidoir (GPD, Berliet GBK), un poste de commandement et une Jeep avec une remorque émulseur quittent Grenoble en direction de Feyzin. Le GPD sera fort utile pour prévenir une extension du feu en zone C située de l’autre côté de l’autoroute et constituée de postes de chargements routiers et ferroviaires. Le feu pourrait se propager dans cette zone depuis la raffinerie par un pont technique qui enjambe l’autoroute. Le personnel du GPD établit deux GL (grosses lances) et une lance à mousse qui permettront de préserver cette zone.
De Vienne partent encore un fourgon d’incendie normalisé (FIN, Berliet GLA). Le centre communal volontaire de Pierre-Bénite en fait partir un autre (Citroën T46) et une ambulance Estafette. D’autres renforts isérois sont mis en alerte : Bourgouin-Jallieu, Le Péage-de-Roussillon…