Les sept Sœurs – 29 août 1928

Le 27 août 1928, au château d’Achnacarry (Écosse), une réunion secrète entre trois hommes parmi les plus riches du monde va changer la face du monde.

Henry Deterding, patron de la Royal Dutch Shell (Shell), Walter Clark Teagle, patron de la Standard Oil of New Jersey (Exxon), et John Cadman, président de l’Anglo Persian Oil Company (BP) s’arrogent le droit de se partager le marché et de décider des prix. L’accord d’Achnacarry, également appelé As-Is Agreement, sera signé le 17 septembre 1928.

Très vite, d’autres compagnies (Chevron, Mobil, Texaco, Total) vont rejoindre la conspiration. L’histoire les appellera les « Sept Sœurs » ; cet accord toxique secoue encore le monde…

Entente

En 1928, trois compagnies pétrolières, à savoir l’américaine, la Standard Oil de Rockefeller, et les anglaises, l’Anglo-Persian Oil Company et la Royal Dutch-Shell dominaient le marché mondial du pétrole. Cette position a été consolidée par l’accord d’Achnacarry, connu sous le nom Pool Association, ou encore « As-Is Agreement ».

Cet accord est sans écrit, donc sans aucune signature.

Logos des entreprise des « Sept Sœurs »
Logos des entreprise des « Sept Sœurs »

Dans le château écossais d’Achnacarry se réunirent Henri Deterding de Royal Dutch-Shell, Walter Teagle de Standard Oil, Heinrich Riedmann de Jersey, Sir John Cadman d’Anglo-Persian Oil, William Larimer Mellon de Gulf Oil, colonel Robert Stewart de Standard Oil of Indiana et C. Gulbenkian, dit M. 5 %. Aussitôt, trois autres compagnies, à savoir la Texaco Oil Corporation, la CFP[Information douteuse] et l’Atlantic Oil[Information douteuse], les rejoignent. Ces sociétés constituèrent ainsi un cartel puissant qui dominera le monde du pétrole jusqu’en 1971 date à laquelle le Chah d’Iran commence à se rebeller contre les compagnies pétrolières2. Cette entente conclue entre les principales compagnies pétrolières de l’époque (à l’issue d’une partie de chasse) stipule :

  • l’engagement, par les membres de l’entente, de stabiliser leurs parts respectives du marché mondial au niveau de 1928, avec relèvement des parts au prorata de la demande, en cas d’augmentation générale de la demande,
  • l’utilisation en commun des usines et des installations déjà en place,
  • la construction d’installations supplémentaires seulement si l’accroissement de la demande l’exige,

[…]

  • la suppression à la base, c’est-à-dire au puits ou à la raffinerie et par les producteurs eux-mêmes, de toute production excédentaire,
  • l’élimination de toutes mesures ou dépenses de nature compétitive, propres à augmenter sensiblement les prix de revient ou de vente.

Le contrat que l’on appelle encore aujourd’hui des « sept sœurs » (Seven Sisters)[Information douteuse], marque la naissance d’un vrai cartel du pétrole.

En 1952, la Federal Trade Commission procède à une enquête approfondie sur les pratiques commerciales des compagnies pétrolières. L’enquête révèle notamment cet accord secret en opposition à la règlementation anti-trust. Un courrier de J. Edgar Hoover signale que la publication de ce dossier serait favorable à la propagande soviétique3 ; le président Harry S. Truman demande alors l’interruption de l’enquête criminelle4.

Les compagnies pétrolières (les « sept sœurs ») et leurs représentants

Le tableau ci-contre montre les sociétés américaines en bleu, les britanniques en rose (Shell étant anglo-hollandaise) et les sociétés absorbées en gris. L’histoire des fusions et acquisitions est sans fin, ce tableau n’est qu’un résumé ; de plus, derrière ces sept sociétés, on trouve une multitude de sociétés « indépendantes », qui ont éventuellement participé à certains accords tels que l’accord d’Achnacarry. Nombre d’entre elles ont été absorbées par d’autres au cours du xxe siècle ; aucune société extérieure au pétrole n’a réussi à se glisser parmi celles-ci.

Les Sept Sœurs
1 Standard Oil of New Jersey (Esso) ⇒ devenue Exxon, puis ExxonMobilDrapeau des États-Unis États-Unis
Anglo-Persian Oil Company ⇒ devenue BP (British Petroleum). Drapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni
Royal Dutch ShellDrapeau du Royaume-Uni Royaume-Uni / Drapeau des Pays-Bas Pays-Bas
Standard Oil of California (Socal) ⇒ devenue ChevronDrapeau des États-Unis États-Unis
Texaco ⇒ fusionnée avec ChevronDrapeau des États-Unis États-Unis
Standard Oil of New York (Socony) ⇒ devenue Mobil, puis ExxonMobilDrapeau des États-Unis États-Unis
Gulf Oil ⇒ absorbée par Chevron15Drapeau des États-Unis États-Unis

La guerre déclarée à la France par l’État Islamique remontent-elle à cette époque ?

Michel Onfray, dans son article retentissant du Point, situe l’origine de la guerre déclarée à la France par l’État Islamique à ses interventions en Irak, en Afghanistan, en Libye, au Mali. Ça peut se discuter. Si l’on veut parler et raisonner en chercheur et en scientifique et non en « journaliste metteur en scène du spectacle de la terreur » comme le dit justement Onfray, il faut repenser aussi à l’aide déterminante apportée par Giscard en 1979 à l’ayatollah Khomeini, à l’islam régressif et radical iranien, à l’islamofascisme naissant et au terrorisme international balbutiant.

Mais il faut aussi remonter plus loin dans le temps, jusqu’à l’époque où les « sept sœurs » du cartel des grandes compagnies pétrolières toutes puissantes ont découpé à la serpe l’empire ottoman, ont tracé au cordeau des frontières uniquement en fonction des puits de pétrole et ont créé arbitrairement des états sans fondements culturels et nationaux.

Le reportage, ci-dessous (en 4 parties), en retrace l’histoire.

2009 : Le Secret des 7 sœurs, série documentaire de quatre épisodes de 52 minutes

EPISODE 1 – Tempêtes et fortunes du désert

Dès le début du siècle et, plus encore après la Seconde Guerre mondiale, les grandes puissances occidentales nouent des relations étroites avec les états pétroliers afin d’assurer aux sept sœurs la mainmise sur les gisements du Moyen-Orient. Lassés de voir leurs états spoliés, certaines voix s’élèvent contre cette exploitation, comme celle, avortée, du premier ministre iranien Mossadegh en 1951.

En 1960, les états producteurs de pétrole s’unissent et créent l’OPEP. L’influence des sept sœurs est donc menacée.

C’est paradoxalement le choc pétrolier de 1973 qui leur permet de rebondir. Néanmoins, le contrôle de cette région du monde reste capital, comme l’ont prouvé récemment les conflits irakiens de 1991 et 2003.

EPISODE 2 – Safari dans l’eldorado noir

Le Moyen-Orient n’a pas constitué l’unique source de pétrole pour le monde occidental. Les « sept soeurs » se sont mises en quête de nouveaux gisements et l’Afrique est devenue leur nouveau terrain de jeu. Dès les années 1930, la présence de pétrole dans le Sahara est suspectée.

Lors de sa campagne victorieuse de 1942, le maréchal Leclerc laisse des garnisons dans le Sud algérien et en Libye afin de poser les jalons d’une future exploitation.

Le pétrole est en effet bien là et l’exploitation intensive est lancée par les « sept soeurs » mais, rapidement, des difficultés apparaissent…

EPISODE 3 – La danse de l’ours

Dès 1983, les Saoudiens, alliés des Américains, inondent le marché de barils de pétrole et font ainsi chuter les cours. Pour les Soviétiques, qui perdent le Caucase avec la chute du bloc communiste, l’impact économique est violent. N’ayant pas les moyens de rénover les installations pétrolières, Boris Eltsine décide de les privatiser. C’est la naissance d’une génération d’oligarques qui va devenir toute-puissante.

Poutine reprend la main en arrivant au pouvoir mais le pétrole de la Caspienne échappe toujours à la Russie. C’est pourquoi elle alimente le conflit ethnique entre les Azéris, qui ont conclu de gros contrats avec les sept soeurs, et les Arméniens. Mais déjà, la Chine entre dans la danse et s’intéresse aux ressources de la Caspienne.

EPISODE 4 – Le Temps des Mensonges

Les Etats-Unis contrôlant une grande partie du pétrole du Moyen-Orient, sa rivale, la Chine se tourne vers de nouveaux partenaires. L’Asie et l’Afrique noire font partie de ses fournisseurs. C’est également le cas du Venezuela d’Hugo Chavez toujours au pouvoir malgré le coup d’état de 2002 appuyé par les sept sœurs. Exaspérés de ne rien voir des retombées économiques du pétrole, les peuples tunisien, égyptien et libyen finissent par se révolter et renversent leurs dirigeants. Contraintes de se tourner vers de nouvelles solutions, les compagnies pétrolières historiques repoussent toujours plus loin les limites…

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