Carrefour ouvre le premier hypermarché en France – 1963

15 juin 1963, Sainte-Geneviève des Bois, modeste commune de l’Essonne (17.600 habitants à l’époque) située en bordure de l’autoroute du Soleil, Carrefour ouvre le premier « grand magasin à libre-service » français, appelé aujourd’hui hypermarché (le nom n’apparaitra qu’en 1966, il sera inventé par le magazine LSA, la bible de la grande distribution).

Les Defforey et Fournier, trio fondateur de Carrefour

Jacques Defforey, Marcel Fournier et Denis Defforey

Marcel Fournier est né dans une ancienne famille d’Annecy. Son père avait une petite mercerie ce qui lui donna le goût du commerce.

Dans les années 1950, il reprend le commerce de son père situé au « 42 rue Vaugelas » à Annecy et cherche rapidement à diversifier la mercerie familiale en le dénommant « Grand magasin de nouveautés » et le transformant en une véritable petite attraction en ville.

Vite conscient que la distribution va connaître une grande révolution avec l’arrivée des magasins d’Édouard Leclerc, il cherche à se diversifier dans l’alimentaire discount, craignant l’arrivée d’un magasin Leclerc dans la ville1.

Edouard Leclerc venant de faire une conférence sur Annecy. Marcel Fournier décide d’anticiper le lancement de l’entreprise et ouvre dans sa boutique de vêtement une rayon alimentaire au 42 rue Vaugelas.

La rencontre avec les frères Defroy

En 1959, Marcel Fournier rencontre Denis et Jacques Defforey, qui travaillaient dans l’entreprise familiale, Badin-Defforey, avec leur père Louis, grossiste en alimentation, à Lagnieu dans l’Ain.

Ils employaient alors 250 personnes et desservaient une cinquantaine de succursales et un demi-millier de clients. Marcel Fournier et la famille Defforey se rencontrent au « GAGMI » (Groupement d’achats des grands magasins indépendants).

Il dépose officiellement la marque « Carrefour supermarchés » en juillet 1959.

Badin-Defroy fournisseur de Marcelle Fournier

Marcel Fournier s’entend en janvier 1960 avec la famille Badin-Defforey pour son approvisionnement.

Il est rapidement victime de son succès, les 200 m2 de son magasin libre-service discount dans les sous-sols de la mercerie familiale s’avéreront vite insuffisants pour répondre à la demande. Il se faisait livrer les produits par une petite trappe qui s’ouvrait directement sur le trottoir.

Il s’associe avec Denis Defforey pour ouvrir dès le 3 juin 1960 un supermarché de 850 m2 à l’angle de l’avenue de Parmelan et de la rue André Theuriet toujours à Annecy2. Son idée majeure fut de laisser une grande place libre pour aménager un parking pour les voitures à proximité immédiate du magasin. Il avait découvert ce nouveau concept « No parking, no business » lors d’un voyage aux États-Unis.

Le nouveau « supermarché », le premier à porter cette dénomination en France, séduit les clients, proposant un large éventail de produits et des prix au rabais. Pour mieux attirer les clients, le supermarché vend l’essence à prix très bas.

En mai 1963 un deuxième supermarché est ouvert à Cran-Gevrier (banlieue d’Annecy) et un autre au bout de l’avenue de Genève (toujours existant).

Voir grand

Les trois acolytes sont sur le point de lancer la fameuse formule commerciale qui fera fureur. Un pari fou pour l’époque.

« Demain, sois je suis riche, sois je suis ruiné« , a ainsi lancé Marcel Fournier le 14 juin 1963, la veille de l’ouverture du magasin.

Marcel Fournier (à droite) s’entretient avec les frères Defforey autour des plans du futur hypermarché de Sainte-Geneviève-des-Bois.

« Les Defforey savaient acheter, et Fournier savait vendre », explique Jean-Claude Daumas, historien de la distribution. « A eux trois, ils maîtrisaient les deux métiers essentiels à la réussite de la grande distribution. »

Le trio se connaît bien depuis la première expérience de grande distribution, à Annecy.

Les premières hypermarché à Sainte-Geneviève-des-Bois

Trois ans après la création des premiers supermarchés, ce sera le tour au premier Hypermarché. Les journalistes le renomment rapidement « l’usine à distribution » ou « l’usine à vendre ».

Sur la devanture on pouvait y lire : GRAND MAGASIN.

Le « premier grand magasin à libre-service » s’étendant sur 2.500 m2 et doté de 450 places de parkings, le tout implanté sur un terrain de 20.000 m2 à quelques enjambées du centre-ville.

Le magasin de Sainte-Geneviève-des-Bois, ouvert tous les jours jusqu’à 22 heures, le dimanche matin et le lundi après-midi, regroupe les quatre concepts qui feront la fortune des propriétaires de l’enseigne, les familles savoyardes Fournier et Defforey : l’implantation en périphérie, le discount, le libre service et « tout sous le même toit » à savoir près de 5.000 références de produits frais mais également de non-alimentaire comme le textile ou l’électro-ménager.

Les premières pompes

À l’approche de l’été, les premiers clients arrivent et se garent sur l’immense parking de 450 placesIls y découvriront les premières pompes à essence.

L’ effet de surprise sera immédiat. Pensez-vous, nous sommes à cette époque en plein boom automobile.

A partir de 1970

Le concept ne se généralise vraiment qu’à partir de 1970 : cette année-là, 470 grandes surfaces distribuent 3% du carburant vendu en France. Après le premier choc pétrolier de 1973, la tendance se confirme. Les hypermarchés affichent alors des prix si bas par rapport aux stations classiques que les pompistes les accusent de se servir du carburant comme « produit d’appel » pour attirer les clients dans leur magasin.

Depuis lors, chaque année, des stations-service disparaissent… la France en comptait 50 920 en 1970, on en recensait 12 051 en 2010. A l’heure actuelle (années 2010 / 2020), la grande distribution et son modèle « low cost » représente un tiers du parc français avec 4 902 points de vente… qui fournissent 62 % du carburant.

La rentabilité des stations n’étant plus aussi importante depuis quelques années, la concurrence de nouvelles énergies (le 100% électrique, l’hybride, le GNC/ GNL, le GPL…) et les nouvelles technologies faisant évoluer les modes de déplacements (les vélos / trottinettes… électriques, le regain des transports en commun, le covoiturage…), vont contribuer à l’évolution voir la disparition de nombreuses stations.

L’essor de la grande distribution (dont les hypermarchés) du point de vue d’une journaliste de l’ORTF en 1969.

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